L’écologie chez un Père de l’Église, Maxime le Confesseur
La théologie de Maxime est d’abord évoquée pour souligner son regard positif sur la création : un regard qui valorise l’ensemble des choses créées, tout en les maintenant dans une juste relation avec leur créateur.
Dieu a réellement voulu tout ce qu’il a créé. Il y a en lui une forme de liberté qui s’engage dans la création non pas froidement, mais avec amour : avec un projet pour la créature. S’il l’a créée du néant, c’est bien parce qu’il a un désir pour elle. […] Chaque créature participe ainsi à l’être de son créateur.
Et tout cela constitue un chemin vers Dieu, pour qui sait contempler. […] Contempler, avant tout, c’est le contraire de la domination ou de la possession [, c’est] regarder […] toute chose en tant qu’elle est créée, voulue et pénétrée par Dieu.
Maxime écrit que « l’auteur des créatures [est] proclamé à pleine voix par l’intermédiaire des créatures privées de parole » […] Parler d’une louange des créatures […] c’est affirmer encore une fois la valeur hautement spirituelle du monde non humain. C’est reconnaître que l’être humain, alors même qu’il loue Dieu – faisant à sa manière propre et unique ce pour quoi il est créé –, ne fait rien d’extraordinaire : rien, en tout cas, qui le distingue foncièrement de ce que font toutes les autres créatures, douées ou non des facultés de sentir, de se mouvoir ou de penser.
[L’]univers est érigé en sujet d’une louange que l’on pourrait appeler cosmique, puisqu’elle englobe toutes les créatures sensibles. Toutefois, ce sujet privé de logos [c’est à dire d’intelligence et de parole] a besoin d’un représentant ou d’un serviteur apte à rassembler ces dons et à les présenter à Dieu en son nom : c’est là le rôle de l’être humain. Celui-ci joue pour la création le même rôle que le prêtre joue pour l’assemblée eucharistique.
De plus, Dieu désire que sa création se tourne vers lui librement et par amour. […] Si le salut de la création exige un tel acte libre d’amour et de vertu, dans l’univers sensible seul l’être humain en est capable. On le voit, à l’égard de la création dans son ensemble, l’être humain occupe à nouveau un rôle de médiateur au sens fort, comparable à celui que jouait l’âme pour le corps : un intermédiaire dont on ne peut se passer, voire un « petit dieu »
« Nous prenons conscience de la manière dont le comportement humain qui ne reconnaît pas l’intégrité de la création de Dieu, sa valeur intrinsèque, sa beauté intrinsèque, et la traite comme une simple quantité de matière à être consommée – comment un tel comportement ne conduit pas seulement à l’autodestruction ou à détruire la société humaine, mais qu’il menace la beauté ordonnée du cosmos lui-même. Saint Maxime va plus loin : l’activité humaine d’après la chute menace la signification même du cosmos, dans la mesure où cette signification est perçue par et articulée à travers la personne humaine. Le cosmos cesse d’être une structure belle et ordonnée – une idée implicite dans le mot cosmos lui-même, qui suggère en grec quelque chose d’ordonné et de beau – et devient obscur, sombre, dangereux, au moins pour les humains » (A. Louth, « Man and Cosmos in St. Maximus the Confessor » (cité n. 1), p. 61)
Si l’être humain a pu briser la cohérence et la beauté de l’univers par son comportement […], il possède aussi la capacité à les restaurer. Ce point découle du premier : puisque c’est la déviation humaine du projet initial qui a détourné les autres créatures de leur orientation vers Dieu, le simple retour de l’être humain vers Dieu a pour effet immédiat de réordonner l’univers. C’est l’enjeu de la vertu et de la sainteté, qui déploient dans le monde actuel quelque chose du nouvel ordre cosmique auquel la création aspire : lorsqu’il emprunte ce chemin, l’être humain est capable non seulement de réorienter son être, mais aussi d’entraîner avec lui l’univers entier dans la voie de la louange et de la divinisation.
Par l’Incarnation, [le Christ] a confirmé ce choix de l’humanité comme le lieu à partir duquel sauver et déifier la Création.
Si la création est finalement sauvée, aimée et déifiée, c’est évidemment dans le Christ, mais plus précisément dans l’être humain qu’est le Christ.
(extraits de « Maxime le Confesseur et l’écologie. La place de l’être humain dans le salut des créatures » par Pierre Molinié dans la Nouvelle revue théologique 145-2, pp. 216-240)