La Haye-du-Puits

L’église Saint-Jean-l’Évangéliste, église principale de la paroisse Bienheureux-Marcel-Callo, a été construite au milieu du XIXe siècle, de 1851 à 1862. Il s’agit sans doute de la première église de la Manche inspirée du style gothique, dans un genre romantique et non encore dans le genre néogothique archéologique ou historiciste qui s’imposera ensuite, par exemple pour la basilique Notre-Dame de Douvres-la-Délivrande. C’est dire tout l’interêt que pouvait avoir cet édifice avant les destructions de la guerre. L’architecte en est peut-être Nicolas Théberge, qui avait le poste d’architecte de la Manche et qui construisit en même temps ou peu après les églises de Saint-Patrice du Teilleul puis Saint-Hilaire-du-Harcouët, avant de dresser les plans de Notre-Dame-des-Champs d’Avranches.

L’église avant 1944

À l’extérieur on voit encore un style d’époque Second Empire, très simple, très sobre, animé seulement par le rythme des ouvertures, les deux flèches et le contraste entre une maçonnerie en pierres rustiques et colorées et des encadrements de baies en calcaire fin et blanc. On ne retrouve pas les caractéristiques du gothique normand mais seulement quelques éléments comme l’arc brisé des ouvertures ou le couronnement des tours.

Il y avait un contraste voulu d’une construction sobre, presque grossière, avec les fines flèches couronnant les tours mais, surtout, avec l’intérieur. L’effet était en effet spectaculaire quand on entrait et qu’on découvrait un décor architectural riche, raffiné et coloré : de fines colonnettes et arcatures ainsi que des ogives élancées dessinaient un réseau élégant, et toutes les parois et même les piliers étaient enduits et peints de motifs géométriques, végétaux ou figurés.

L’intérieur avant 1944
Le maître-autel avant 1944

On s’intéressait à l’époque à faire revivre cet art du décor peint pratiqué dans les églises du Moyen-Âge mais disparu et oublié depuis. On peut se faire une idée de l’effet du décor de l’église de La Haye grâce à la photo ci-dessous d’une réalisation de la même époque à Saint-Germain-des-Prés de Paris :

Le décor de l’église Saint-Germain-des-Prés a pu servir de modèle pour La Haye-du-Puits. Hippolyte Flandrin (peintre 1809-1864), Alexandre Denuelle (peintre-ornemaniste 1818-1879)

« Frères, nous portons un trésor comme dans des vases d’argile » dit saint Paul (2 Cor 4,7). Ainsi l’église de La Haye enfermait un trésor de riche décor architectural dans une enveloppe de moellons rustiques.

L’église en 1944

Très endommagée par la guerre, l’église est restaurée après 1944 sous la direction de l’architecte Lanessan. Considérant sans doute que le décor intérieur serait trop difficile et coûteux à restaurer, on en détruit même les vestiges. Étant donnés les goût de l’époque mais aussi les nécessités économiques, on opte pour un aspect très austère qui fait perdre l’effet de contraste avec l’extérieur. Le sol lui-même est refait au plus simple, sans recherche esthétique. Sur la maçonnerie en moellon des murs, et sur le bois ou la brique qui constituent les voûtes, un enduit imitant le calcaire est posé, sur lequel on grave des lignes qui donnent l’impression d’une construction en pierre de taille. Cela produit un sentiment de lourdeur monumentale en contradiction avec la construction, avec le style de l’église et même avec la sobriété recherchée en ce milieu du XXe siècle. Le renouvellement des vitraux est resté inachevé et manque d’harmonie : vitraux de Mauméjean dans l’abside du chœur, béton translucide du même (?) pour les baies hautes du vaisseau central, vitraux sobres et clairs de Paul Bony dans les bas-côtés du chœur et le transept nord, vitraux de Gérard Bourget pour la grande rosace et le transept sud.

Monument funéraire d’Arthur de Magneville, baron de la Haye-du-Puits (XVIe siècle)