La première exhortation apostolique du pape Léon XIV traite de l’amour envers les pauvres. Elle reprend un texte inachevé de son prédécesseur François mais s’appuie aussi sur sa propre expérience en Amérique latine. Le Christ, reprenant la préférence affichée par le Dieu de l’Ancien Testament, s’est incarné dans une humilité attentive aux pauvres. Il demande ainsi à l’Église « un choix décisif et radical en faveur des plus faibles » :
https://www.vatican.va/content/leo-xiv/fr/apost_exhortations/documents/20251004-dilexi-te.html
Résumé et extraits
Dans l’encyclique Dilexit nos (il nous a aimé), le pape François rappelait l’importance et la profondeur de l’amour du Christ pour l’homme. Il voulait la faire suivre d’une exhortation Dilexi te (je t’ai aimé) pour attirer l’attention sur les pauvres.
Celle de Jésus est évidente quand il dit : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). « Nous ne sommes pas dans le domaine de la bienfaisance, mais dans celui de la Révélation : le contact avec ceux qui n’ont ni pouvoir ni grandeur est une manière fondamentale de rencontrer le Seigneur de l’histoire. À travers les pauvres, Il a encore quelque chose à nous dire. »
L’Ancien Testament parle du « cri des pauvres » auquel il faut répondre. Aujourd’hui, malgré le progrès et la croissance, la pauvreté nous interpelle toujours autant. On a tendance à croire qu’on n’y peut rien et que les responsables politiques et économiques font déjà tout ce qui est possible, au point que « l’exercice de la charité [est] méprisé ou ridiculisé, comme s’il s’agissait d’une obsession de quelques-uns et non du cœur brûlant de la mission ecclésiale ».
La Bible montre à de nombreuses reprises que Dieu fait « Le choix des pauvres ». Ce choix s’incarne avec Jésus, né faible et pauvre, qui apparaît souvent exclu de la société, comme les plus pauvres, et qui se montre proche des exclus.
Si l’Église naissante pratiquait la mise en commun des biens en faveur des plus pauvres, ceux-ci n’ont jamais été oubliés en deux mille ans d’histoire, avec régulièrement le rappel de leur place éminente. « La charité n’est pas une voie facultative, mais le critère du vrai culte. » Le soin des malades, des pauvres et des captifs a toujours été la marque du Christianisme. Saint François a initié la créations d’ordres mendiants caractérisés par une pauvreté totale et par la proximité avec les exclus. Le soin aux pauvres est passé aussi par l’éducation, dans l’idée que la connaissance libère et rend la dignité. Les esclaves, les migrants, les mourants abandonnés en Inde, personne n’a été oublié.
Depuis Vatican II, se consolide à nouveau l’idée de « la relation préférentielle de l’Église pour les pauvres ». L’Église se met à l’écoute des pauvres et des mouvements populaires de solidarité pour promouvoir les idées de partage et de bien commun.
Le pape François a noté, dans les conceptions économiques d’aujourd’hui, une « mentalité dominante qui considère normal ou rationnel ce qui n’est rien d’autre que de l’égoïsme et de l’indifférence. » Léon XIV ajoute que cela apparaît quand on en arrive à penser que « Le choix semble raisonnable d’organiser l’économie en demandant des sacrifices au peuple pour atteindre certains objectifs qui concernent les puissants. Pendant ce temps, seules les “miettes” qui tomberont sont promises aux pauvres jusqu’à ce qu’une nouvelle crise mondiale les ramène à leur situation antérieure. C’est une véritable aliénation qui conduit à ne trouver que des excuses théoriques et à ne pas chercher à résoudre aujourd’hui les problèmes concrets de ceux qui souffrent. »
Léon rappelle que « Aux défenseurs de “l’orthodoxie”, on adresse parfois le reproche de passivité, d’indulgence ou de complicité coupables à l’égard de situations d’injustice intolérables et de régimes politiques qui entretiennent ces situations. La conversion spirituelle, l’intensité de l’amour de Dieu et du prochain, le zèle pour la justice et pour la paix, le sens évangélique des pauvres et de la pauvreté, sont requis de tous, et tout spécialement des pasteurs et des responsables. Le souci de la pureté de la foi ne va pas sans le souci d’apporter, par une vie théologale intégrale, la réponse d’un témoignage efficace de service du prochain, et tout particulièrement du pauvre et de l’opprimé ».
« […] J’adresse mes sincères remerciements à tous ceux qui ont choisi de vivre parmi les pauvres : ceux qui ne se contentent pas de leur rendre visite de temps en temps, mais qui vivent avec eux et comme eux. C’est une option qui doit trouver sa place parmi les formes les plus élevées de la vie évangélique. »
« […] « il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser » par les pauvres, et que nous reconnaissions tous « la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux » ». Ne serait-ce parce qu’ils nous « révèlent notre précarité et la vacuité d’une vie en apparence protégée et sûre. »
« […]Ceux d’entre nous qui n’ont pas connu les expériences similaires d’une vie vécue à la limite ont certainement beaucoup à recevoir de cette source de sagesse qu’est l’expérience des pauvres. »
« […] Nous devons sentir l’urgence d’inviter chacun à entrer dans ce fleuve de lumière et de vie qui jaillit de la reconnaissance du Christ dans le visage des nécessiteux et des souffrants. »
« […] Le chrétien ne peut pas considérer les pauvres seulement comme un problème social : ils sont une “question de famille” ; ils sont “des nôtres”. » Ainsi peut-on suivre le Christ. Dans la situation d’aujourd’hui nous devons être le Bon Samaritain : « va, toi aussi, fais de même » ( Lc 10, 37). Allons au-delà des préjugés : « Quand vous voyez des pauvres accomplir des actes répréhensibles, ne les méprisez pas et ne désespérez pas, car peut être le feu de la pauvreté purifie-t-il en eux les traces laissées par une très légère malice » (S. Grégoire le Grand, Homilia 40)
« […] Les pauvres ne sont pas une catégorie sociologique, mais la chair même du Christ. En effet, il ne suffit pas d’énoncer de manière générale la doctrine de l’incarnation de Dieu. Pour entrer véritablement dans ce mystère, il faut préciser que le Seigneur s’est fait chair, qu’il a faim, qu’il a soif, qu’il est malade et emprisonné. » Là est le cœur de l’Église.
Pour le Chrétien l’action peut commencer tout simplement par l’aumône, car « L’amour et les convictions les plus profondes doivent être nourris, et cela se fait par des gestes. » Un premier contact sera ainsi établi.
« Que ce soit par votre travail, votre lutte pour changer les structures sociales injustes, ou encore par ce geste d’aide simple, très personnel et proche, il sera possible pour ce pauvre de sentir que les paroles de Jésus s’adressent à lui : « Je t’ai aimé » (Ap 3, 9). »