Jésus modèle d’amour

Saint Paul rend compte de la nouveauté fondamentale du message du Christ en plaçant la charité – l’amour au sens chrétien – au plus haut niveau de la religion. C’était inédit et impensable à l’époque ; cela reste un défi à réaliser aujourd’hui. Dans son Hymne à l’amour Paul tente de définir cet amour. En fait il le personnifie pour nous donner un modèle à suivre, et nous nous rendons compte que ce modèle est Jésus lui-même. 1 Cor 13, 4-7 :

L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

Dans Amor laetitia (chapitres 91-102) le pape François nous explique la pensée de Paul. Voici quelques extraits :

La patience

La première expression utilisée est makrothymei. La traduction n’est pas simplement « qui supporte tout », parce que cette idée est exprimée à la fin du v. 7. Le sens provient de la traduction grecque de l’Ancien Testament, où il est dit que Dieu est « lent à la colère » (Ex 34, 6 ; Nb 14, 18). Cela se révèle quand la personne ne se laisse pas mener par les impulsions et évite d’agresser.

Attitude de service

Vient ensuite le mot xrestéuetai, qui est unique dans toute la Bible, dérivé de xrestó (bonne personne, qui montre sa bonté par des actes).  Mais, en raison de son emplacement en strict parallélisme avec le verbe qui précède, il en est un complément. Ainsi Paul veut clarifier que la ‘‘patience’’ indiquée en premier lieu n’est pas une attitude totalement passive, mais qu’elle est accompagnée par une activité, par une réaction dynamique et créative face aux autres. Elle montre que l’amour bénéficie aux autres et les promeut. C’est pourquoi elle se traduit comme ‘‘serviable’’.

Dans tout le texte, on voit que Paul veut insister sur le fait que l’amour n’est pas seulement un sentiment, mais qu’il doit se comprendre dans le sens du verbe ‘‘aimer’’ en hébreu : c’est ‘‘faire le bien’’. Comme disait saint Ignace de Loyola, « l’amour doit se mettre plus dans les œuvres que dans les paroles ».

L’amour n’envie pas

Ensuite on rejette, en tant que contraire à l’amour, une attitude désignée comme ‘‘zeloi’’ (jalousie ou envie). Cela signifie que dans l’amour on ne peut pas se sentir mal à l’aise en raison du bien de l’autre

Sans faire étalage ni fanfaronner

Vient ensuite l’expression perpereuomai, qui indique la gloriole, le désir de se montrer supérieur pour impressionner les autres par une attitude pédante et quelque peu agressive. Celui qui aime, non seulement évite de parler trop de lui-même, mais en plus parce qu’il est centré sur les autres, il sait se mettre à sa place sans prétendre être au centre. Le mot suivant – physioutai – a un sens très proche, parce qu’il indique que l’amour n’est pas arrogant. Littéralement il exprime qu’on ne se ‘‘grandit’’ pas devant les autres ; et il désigne quelque chose de plus subtil. Il ne s’agit pas seulement d’une obsession de montrer ses propres qualités, mais, en plus, on perd le sens de la réalité. On se considère plus grand que ce que l’on est  parce qu’on se croit plus ‘‘spirituel’’ ou plus ‘‘sage’’. Paul utilise ce verbe d’autres fois, par exemple pour dire que « la science enfle » alors que « la charité édifie » (1Co 8, 1b).

Amabilité

Aimer c’est aussi être aimable, et là, l’expression asxemonéi prend sens. Elle veut indiquer que l’amour n’œuvre pas avec rudesse, il n’agit pas de manière discourtoise, il n’est pas dur dans les relations. Ses manières, ses mots, ses gestes sont agréables et non pas rugueux ni rigides. Il déteste faire souffrir les autres. La courtoisie « est une école de délicatesse et de gratuité » qui exige « qu’on cultive son esprit et ses sens, qu’on apprenne à sentir, qu’on parle, qu’on se taise à certains moments ». Etre aimable n’est pas un style que le chrétien peut choisir ou rejeter : cela fait partie des exigences indispensables de l’amour ; par conséquent « l’homme est tenu à rendre agréables ses relations avec les autres ». Chaque jour « entrer dans la vie de l’autre, même quand il fait partie de notre vie, demande la délicatesse d’une attitude qui n’est pas envahissante, qui renouvelle la confiance et le respect […]. L’amour, plus il est intime et profond, exige encore davantage le respect de la liberté, et la capacité d’attendre que l’autre ouvre la porte de son cœur ».

Détachement

Mais Thomas d’Aquin a expliqué « qu’il convient davantage à la charité d’aimer que d’être aimée » et que, de fait, « les mères, chez qui se rencontre le plus grand amour, cherchent plus à aimer qu’à être aimées ».