L’Obligation d’amour

Nous avons vu que le baptême chrétien, pour saint Paul, n’impliquait pas d’obligations spécifiques pour les nouveaux membres de l’Église, obligations qui auraient permis de les caractériser au milieu des autres courants religieux de l’époque. Il n’impliquait pas non plus un système de sagesse particulier à ajouter aux nombreuses philosophies existantes. Le Chrétien est d’abord un homme libre parce que l’amour et la foi n’ont de valeur que librement cultivés.

Mais être libre est difficile pour l’homme. Il se sent plus en sécurité s’il est maintenu par un cadre d’interdits, par un guide d’actions à accomplir. La liberté totale est terrifiante : elle oblige à trouver ce qu’il faut faire en soi-même, dans sa relation d’amour avec Dieu et le prochain.

Cette liberté parfaite ne peut être qu’un but à atteindre, mais elle l’était particulièrement pour les baptisés de l’époque de Paul. Beaucoup gardaient des interdits juifs ou s’en créaient pour se distinguer des pratiques païennes. Paul appelle à l’indulgence vis à vis d’eux :

Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans critiquer ses raisonnements. L’un, à cause de sa foi, s’autorise à manger de tout ; l’autre, étant faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a accueilli, lui aussi.

Attention ! On a facilement tendance aujourd’hui à tomber dans le relativisme selon lequel « Chacun a sa vérité » et « toutes les croyances doivent être respectées à égalité ». Ce n’est pas ce que veux dire Paul. Il ne pense pas que chacun doive cultiver sa différence puisqu’il est pour l’unité d’une communauté chrétienne appelée à former le corps du Christ. Mais il sait qu’on ne peut pas contraindre les gens à être libres. Les plus faibles dans la foi ne peuvent qu’y être amené progressivement. Pour ne pas faire violence à leurs convictions et pour éviter la division, faisons-nous proches d’eux en nous astreignant provisoirement à leurs interdits. Si nous savons que rien n’est impur, rien ne nous oblige à manger de tout.

En effet, s’astreindre à certaines pratiques n’est pas mauvais en soi, et cela est même important pour constituer une communauté, mais il faut que cela soit librement consenti, que cela corresponde à un désir qui vient du cœur et non à une contrainte ou à un commandement. On dit que le Chrétien ne connaît qu’un commandement : le commandement d’amour. Il faut bien voir le paradoxe qu’il y a à parler de « commandement d’amour ». Ce paradoxe veut dire que, bien que l’amour ne peut être que libre et ne peut venir que de son propre cœur, il est essentiel pour suivre le Christ. La seule obligation du Chrétien est l’obligation d’amour.