L’église Saint-Jean-l’Évangéliste, église principale de la paroisse Bienheureux-Marcel-Callo, remonte probablement au 11e siècle et devait à l’origine présenter l’architecture typique de la région, reconnaissable à la tour s’élevant sur la croisée du transept. On sait qu’elle a été donnée à l’abbaye de Lessay en 1152, que le chœur a été reconstruit en 1235, la tour vers 1690 et la nef en 1762. Le tout menaçait ruine au milieu du 19e siècle et on décide une reconstruction totale. De fait il s’agit sans doute de la première église de la Manche inspirée du style gothique, mais dans un genre romantique et non encore dans le genre néogothique archéologique ou historiciste qui s’imposera ensuite, par exemple pour la basilique Notre-Dame de Douvres-la-Délivrande. C’est dire tout l’interêt que pouvait avoir cet édifice avant les destructions de la guerre. Son créateur, Émile Didier, jeune architecte de Saint-Lô, est passionné par l’architecture gothique, qui est pour lui « la personnification du culte chrétien pour les catholiques de l’Occident » et il n’hésite pas à « attribuer aux Normands l’initiative de cette révolution dans l’art de construire. » (E. Didier, « La cathédrale de Coutances et l’architecture ogivale » dans Notices, mémoires et documents, Volumes 1 à 2, Imprimerie d’Elie fils, Saint-Lô, 1851). La première pierre est posée en 1851 et la consécration a lieu en 1862. Mais l’église reste inachevée : les flèches sont construites en 1887 et tout le décor peint dans les années 1890. Ce décor ambitieux, réalisé par la maison Jacquier de Caen, aurait coûté 30.000 Francs, montant très important pour l’époque.
À l’extérieur on voit encore un style d’époque Second Empire, très simple, très sobre, animé seulement par le rythme des ouvertures, les deux flèches et le contraste entre une maçonnerie en pierres rustiques et colorées et des encadrements de baies en calcaire fin et blanc. On ne retrouve pas les caractéristiques du gothique normand mais seulement quelques éléments comme l’arc brisé des ouvertures ou le couronnement des tours.
Il y avait un contraste voulu d’une construction sobre, presque grossière, avec l’intérieur. L’effet était en effet spectaculaire quand on entrait et qu’on découvrait un décor architectural riche, raffiné et coloré : de fines colonnettes et arcatures ainsi que des ogives élancées dessinaient un réseau élégant, et toutes les parois et même les piliers étaient enduits et peints de motifs géométriques, végétaux ou figurés.
On s’intéressait à l’époque à faire revivre cet art du décor peint pratiqué dans les églises du Moyen-Âge mais disparu et oublié depuis. On peut se faire une idée de l’effet du décor de l’église de La Haye grâce à la photo ci-dessous d’une réalisation de la même époque à Saint-Germain-des-Prés de Paris :
« Frères, nous portons un trésor comme dans des vases d’argile » dit saint Paul (2 Cor 4,7). Ainsi l’église de La Haye enfermait un trésor de riche décor architectural dans une enveloppe de moellons rustiques.
Très endommagée par la guerre, l’église est restaurée après 1944 sous la direction de l’architecte Lanessan. Considérant sans doute que le décor intérieur serait trop difficile et coûteux à restaurer, on en détruit même les vestiges. Étant donnés le goût de l’époque mais aussi les nécessités économiques, on opte pour un aspect très austère qui fait perdre l’effet de contraste avec l’extérieur. Le sol lui-même est refait au plus simple, sans recherche esthétique. Sur la maçonnerie en moellon des murs, et sur le bois ou la brique qui constituent les voûtes, un enduit imitant le calcaire est posé, sur lequel on grave des lignes qui donnent l’impression d’une construction en pierre de taille. Cela produit un sentiment de lourdeur monumentale en contradiction avec la construction, avec le style de l’église et même avec la sobriété recherchée en ce milieu du 20e siècle. Le renouvellement des vitraux est resté inachevé et manque d’harmonie : vitraux de Mauméjean dans l’abside du chœur, béton translucide du même (?) pour les baies hautes du vaisseau central, vitraux sobres et clairs de Paul Bony dans les bas-côtés du chœur et le transept nord, vitraux de Gérard Bourget pour la grande rosace et le transept sud.